Virgile Cazals est l’un des derniers détenteurs d’un savoir-faire unique : la sellerie. Façonnées entièrement à la main, ces selles hors du commun sont bien plus que des assises pour cavalier. Pièces d’exception et créations uniques, elles sont conçues dans le plus grand respect du cheval. Et de la matière. « Si je n’avais pas eu un coup de foudre pour cette matière unique qu’est le cuir, je n’aurai jamais eu envie de créer des selles. Et si j’ai quitté mon premier métier, ferronnier, c’est pour l’amour de la matière et le plaisir à la travailler ».
A cette passion qui le pousse à installer son atelier en pleine Camargue en 2010, Virgile Cazals ajoute un travail acharné et de belles rencontres. Il ne peut s’offrir une formation. Alors il achète de vieilles selles, qu’il démonte puis remonte. Inlassablement. Il côtoie ceux qui deviendront ses mentors : les Camarguais Jean Mison, premier ouvrier de France en 1961 et Fernand Meffre, mais aussi Vincent Aulion, spécialiste de la selle de dressage et Jean-Luc Parisot, meilleur ouvrier de France en 1986, sellier du Cadre Noir. Protégé de Jean-Louis Guntz, Maitre-Ecuyer au Cadre Noir de Saumur, Virgile crée, deux 2 ans plus tard, ses premières selles de dressage en complément des selles de Camargue. Le plus dur, pour cet infatigable orfèvre du cuir et des matériaux nobles, meilleur artisan du Gard en 2012, a été de trouver les plus belles matières : « C’est compliqué de trouver des cuirs végétaux en France. Il ne reste plus que quelques tanneries mais qui imposent des quantités, 70 m² dans une couleur. Or pour une selle j’utilise 6 m². J’ai donc choisi de travailler avec Fages et Aiglon, un grossiste hors pair qui m’a tout appris du cuir ».
Le jeune sellier préfère le cuir de bovin, son 1er amour, plus “vivant” que le cuir d’agneau trop “figé”, de bêtes allemandes ou norvégiennes : dans les pays froids, les peaux sont plus denses et plus épaisses. Le sellier sélectionne aussi les cuirs en fonction du type de monte, et de la région : une selle de bord de mer devra résister aux embruns. Découpés minutieusement à la main, les cuirs se façonnent pendant de longues heures, 150/160 en moyenne, parfois 300. Les points de couture doivent être parfaits. « Que je sois triste, euphorique, pensif, fatigué, ils doivent être identiques. Je peux faire 100 points impeccables et le 101ème ne passe pas. Alors on recommence ».
Les prix varient de 7 000€ à plusieurs dizaines de milliers d’€. Une selle ne perd pas de valeur quels que soient son âge et son utilisation. Plus la selle vieillit, meilleure elle est. Pas question, pour lui, de laisser dire que le cuir a une image vieillissante. « Les courants vegan, végétalien, et anti-tout, contribuent à donner une mauvaise image du cuir. Les peaux sont prélevées sur des bêtes destinées à l’abattoir. Je rends donc la bête éternelle. Quand j’utilise un cuir de taureau de corrida, j’offre l’éternité à cette bête qui s’est sacrifiée pour le plaisir de l’homme ».
Par amour du cuir, il va continuer à développer des accessoires, sacs à main, ceintures, petite maroquinerie, en pièces uniques. Tout en saisissant de belles opportunités comme celle qu’il a eu il y a deux ans : réaliser, pour le corner de David Mallett au Ritz, trois valises de coiffeur et une grande malle de voyage avec lavabo intégré.